Du charbon de roseaux envahissants

Projet Typha, Mauritanie
Les berges du fleuve Sénégal sont envahis par le typha – DR

Valoriser une plante invasive, c’est le pari de l’Institut supérieur d’enseignement technique de Rosso (Mauritanie), associé au Gret (ONG française) et au Parc National du Diawling. Le projet consiste à transformer le typha, une sorte de roseau, en charbon – une ressource énergétique renouvelable.

Le long des berges du fleuve Sénégal, le typha prospère. Depuis la construction du barrage anti-sel de Diama en 1986, à 27 km de l’embouchure du fleuve, l’écosystème a été bouleversé, créant les conditions propices au développement de cette plante envahissante, de la famille des roseaux. Sa zone d’implantation s’étend aujourd’hui sur 130 km au dessus du barrage, rendant l’accès au fleuve difficile pour les pêcheurs et compliquant la vie des agriculteurs et des villageois. La présence du typha bloque les canaux d’irrigation, empêche une bonne circulation de l’eau du fleuve, la transformant en eau stagnante propice au développement des moustiques et des maladies comme le paludisme et la bilharziose. Une véritable plaie pour les populations locales.

Typha ou la pierre philosophale

Devant ce fléau, le professeur Babana Ould Mohamed Lemine à l’Institut supérieur d’enseignement technique de Rosso (Iset), en Mauritanie, s’est lancé un défi « métamorphoser l’envahisseur en énergie » et réalise les premiers tests. En 2011, l’Iset s’associe au Gret (ONG française) et au Parc National du Diawling pour lancer le projet d’une valorisation de la filière de production de charbon de typha. « Le projet vise à faire de cette plante, disponible en grande quantité dans le bas delta du fleuve Sénégal, une ressource énergétique locale afin de limiter son envahissement dans les zones stratégiques pour les populations et de réduire la production de charbon de bois issu de forêts non gérées de la région », explique le Gret.

Depuis, et grâce à un financement de 1,5 million d’euros (75% Union européenne et 25 % Etat mauritanien) 8 unités de production artisanale, gérées par des coopératives ont été mises en place dans différents villages. Les femmes sont en charge de la transformation et de la commercialisation, les hommes de la coupe. Le typha est séché, puis carbonisé et mélangé avec de l’argile. Il est enfin pressé et aggloméré sous forme de briquettes. La production de charbon crée une activité et des revenus complémentaires pour plus de 500 personnes dans les villages concernés. La coupe du typha permet à l’activité économique de se dérouler à nouveau normalement et un retour de la biodiversité et de la pêche au bout de six mois, constate le Gret.

Projet Typha, Mauritanie
Briquettes de charbon de typha – DR

Les atouts du charbon de typha

Une unité test de production industrielle, gérée par l’Iset à Rosso, a été lancée, fin 2014. La commercialisation dans la ville de Rosso a commencé en juillet avec un prix affiché identique à celui du charbon de bois. Le charbon de typha ne manque pas d’atouts par rapport à son concurrent, avec un poids garanti, un allumage facile, et peu de résidus après la combustion, mais aussi l’absence d’étincelle et de fumée (il est donc moins dangereux et moins nocif pour la santé). Ces concepteurs insistent sur l’efficacité énergétique. Si le charbon de bois est plus puissant, son énergie est rapidement perdue, alors que le charbon typha est particulièrement approprié pour la cuisine, qui demande moins de puissance, mais une efficacité sur la durée. Du coup moins de charbon est nécessaire si l’on utilise celui à base de typha. Il est donc plus économique.

produit typha industriel tr

Objectif : détrôner le charbon de bois

« Il s’agit aujourd’hui de passer à une deuxième phase, explique Julien Cerqueira, expert énergie du Gret, en accompagnant des entrepreneurs pour qu’ils développent leur propre unité de production ». La « ressource » gratuite est inépuisable : on coupe, elle repousse. Bref, de quoi couvrir largement les besoins de toute la Mauritanie et même d’exporter.

Cette initiative pourrait également être répliquée de l’autre côté du fleuve, au Sénégal, où le typha envahit aussi les rives, ainsi qu’au Mali.


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