
Le Kenya mise sur la géothermie, une source d’énergie propre, renouvelable et plutôt bon marché, pour relever le défi de l’accès à l’électricité, réservé à un tiers de la population.
Le Kenya a su tirer profit d’une géographie exceptionnelle. Au cœur du système du rift est-africain – une des principales failles où le flux d’énergie thermique de l’intérieur de la terre remonte sous forme d’éruptions volcaniques et de transport ascendant de chaleur par les sources chaudes et des fumeroles – le pays a très tôt misé sur la géothermie. Un mélange d’eau et de vapeur sous pression puisé à près de 2 km sous terre. Lorsqu’elle remonte à la surface, la vapeur d’eau, séparée de l’eau, fait tourner des turbines couplées à un générateur pour produire de l’électricité. L’eau refroidie et la vapeur condensée sont réinjectées dans le sous-sol, pouvant ainsi refaire le même circuit… Une énergie propre et renouvelable.
Si les premières installations remontent aux années 80, le Kenya a intensifié le développement de cette énergie renouvelable. En 2015, avec deux nouvelles unités de production à Olkaria, à 120 km au nord-ouest de Nairobi, le pays a plus que doublé sa production d’énergie géothermique, passant à 609 MW. Désormais, il se classe à la 8e place mondial en matière de géothermie.
Avantage comparatif
L’exploitation de la géothermie est particulièrement propice dans la région où l’expansion de la plaque tectonique a créé une écorce terrestre plus fine qu’ailleurs. « L’énergie géothermique peut apparaître probablement partout dans le monde. Mais ce qui la rend plus accessible ici, c’est que l’écorce terrestre est plus mince, si bien que la vapeur peut sortir très facilement », explique, à l’AFP Boniface Kipkorir, ingénieur travaillant sur le site d’Olkaria. Si les investissements initiaux sont lourds, la géothermie peut être par la suite considérée comme une énergie relativement économique, assure Albert Mugo, PDG de la société KenGen à CNN.
Pendant longtemps, le Kenya s’est reposé sur son réseau hydroélectrique (encore 820 MW en 2015), mais les sécheresses à répétition ont rendu cette source d’énergie beaucoup moins sûre qu’auparavant. La priorité est donnée désormais au géothermique beaucoup plus fiable. Des projets sont en cours. Dans la région de Baringo, la société parapublique Geothermal Development Company (GDC) développe un complexe de production géothermique qui devrait permettre de produire 300 MW, d’ici trois ans.
De fait, le mix électrique du Kenya offre un profil très original avec la géothermie qui pèse à elle seule 44 % de la production du pays en 2016, l’énergie hydraulique qui représente 36 % et l’énergie thermique qui pèse moins de 20 %. De fait, 80 % de l’électricité produite au Kenya est issue des énergies renouvelables.
Vision 2030
Le pays fait d’ailleurs partie de la liste des dix pays dans le monde qui possèdent la plus forte part d’énergies renouvelables dans leur mix énergétique (en compagnie de 7 autres pays africains). Certes… mais il ne faut pas oublier qu’à peine un tiers des 45 millions de Kényans ont accès à l’électricité et que les coupures de courant sont fréquentes même dans la capitale Nairobi et la demande augmente de 11 % par an. La couverture électrique du pays a été érigée en priorité nationale. Dans son Plan Vision 2030, qui vise à faire du Kenya un pays à revenu intermédiaire, le gouvernement ambitionne de multiplier par 9 la puissance installée des unités géothermiques, tout en développant de manière significative le solaire et l’éolien. En complément, le Kenya souhaite aussi se doter du nucléaire.
En 2030, le gouvernement estime que la capacité de production électrique sera alors de 17 500 MW (contre 2 200 en 2015). Il espère que 5 000 MW proviendront de la géothermie, qui serait ainsi la première source d’énergie, devant le thermique (4 500 MW), le nucléaire (4 200), l’hydroélectricité (2 200 MW) et l’éolien (1 600).